Le biomimétisme pour améliorer l'aérodynamisme automobile :
l'art de réduire les frottements
La corrélation est inévitable : pour réduire les émissions d'un véhicule, il faut trouver un moyen de réduire sa consommation.
Le travail des formes et des revêtements permet d’optimiser l’aérodynamisme du véhicule et le profil d’air. Une réduction de 10% du coefficient de traînée permet ainsi une réduction de consommation d'environ 2% dans le nouveau cycle européen de conduite, et jusqu’à près de 5% à 130 km/h sur autoroute.
Un autre enjeu majeur lié à cette thématique concerne la tenue de route du véhicule et l’efficacité énergétique des pneus. Les pneus les plus performants présentent une résistance au roulement la plus faible possible. Celle-ci dépend, entre autres, de la résistance aérodynamique, de la masse, de la structure et de la forme de la bande de roulement, du micro-glissement et du niveau de pression. En minimisant cette résistance, l’énergie nécessaire au déplacement du véhicule est minimisée.
Comment repenser le design et les composants des véhicules pour améliorer sa pénétration dans l'air ? La nature possède un savoir-faire inégalé en la matière :
Pour chasser ou se défendre, pour être mobiles sur de courtes distances ou de longues distances, pour être rapides ou endurants, les animaux doivent disposer de techniques de déplacement optimisées à l'extrême, et ce quelque soit leur milieu.
Pour garantir la survie, il faut pouvoir également minimiser l'effet. Chaque mouvement, chaque déplacement est donc sobre au possible, intelligemment pensé, stable et fonctionnel. Dans un univers où seuls les plus rapides ou les plus endurants peuvent capturer leurs proies, s’échapper face à leurs prédateurs, ou survivre, l’enjeu de l'aérodynamisme, de l'hydrodynamisme et de la réduction des frottements est central.
La nature travaille sur la forme, sur les matériaux, sur les surfaces. Les stratagèmes sont aussi variés que les espèces. Ces propriétés naturelles, ces stratégies, forment un gisement de solutions et d'approches très efficaces pour réduire la résistance à l'air d'un véhicule.
Le biomimétisme est étudié avec attention depuis plusieurs années déjà par les constructeurs aéronautiques, pour lesquels chaque petite réduction de frottements, peut apporter des économies de carburant considérables.
Au delà de la conception des structures et des matériaux à des fins d'allègement, le biomimétisme peut aussi libérer tout son potentiel dans l'automobile en matière d'aérodynamisme.
Grâce à une compréhension fine des fonctions et techniques présentes chez les espèces on peut extrapoler ces "best practices" biologiques pour guider la conception des véhicules, de leurs formes et des surfaces des composants pour optimiser leur
aérodynamisme et ainsi réduire la consommation.
Ici aussi, Bioxegy vous propose un tour d'horizon des applications bio-inspirées déjà existantes en la matière et évoque également un certain nombre de pistes d'intérêt !
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La peau des requins : une morphologie optimisée pour un déplacement rapide
Pour étudier l'optimisation du déplacements dans la nature, il est particulièrement pertinent de s'intéresser aux animaux occupant le haut de la chaîne alimentaire. Quoi de mieux que d'observer la nage des requins ?
Les squales sont experts en contrôle des écoulements et peuvent atteindre près d'une centaine de km/h dans l'eau pour certaines espèces.
Les requins arrivent à contrôler l'écoulement grâce à leur morphologie, plus précisément grâce à leur peau rugueuse. Celle-ci est composée de micro-rainures qui créent des turbulences et qui attirent l’eau dans des creux où l’écoulement est alors ralenti. Grâce à cela, les frottements sont réduits et la traînée diminuer. L'écoulement perturbé à petite échelle est modifié à grande échelle pour le rendre favorable au déplacement du requin.
En s'inspirant de ce mécanisme appelé effet Riblet, des chercheurs allemands (DLR et Fraunhofer Institut) sont parvenus à concevoir un revêtement reproduisant ces micro-sillons pour réduire la traîné des avions. Ces vernis équipent des avions prototypes de la compagnie allemande Lufthansa.
Complètement transposable à l'automobile, ce principe a été repris en 2014 par Peugeot. Présenté au Mondial de l'Automobile, le concept car Peugeot Exalt était recouverte sur l'arrière par ce même type de revêtement inspirée de la peau des requins. Celui-ci permettait de diminuer la résistance à l'avancement et améliorer considérablement le coefficient de trainée.
Crédits images : ©Fraunhofer Institute ©Ken Fielding
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Les ailes des grands rapace : comprendre un comportement naturel pour réduire la consommation.
Vous prenez souvent l'avion ? Si oui, en regardant par le hublot, vous avez sûrement déjà remarqué ces petites excroissances au bout des ailes ? Appelées winglets, ces ailettes verticales se sont généralisées à tout le secteur aéronautique. Elles peuvent paraître insignifiantes, et pourtant elles jouent un rôle majeur dans l'aérodynamique des avions. Il faut encore une fois remercier un pionnier du biomimétisme.
Au début des années 1970, l'ingénieur de la NASA Richard Whitcomb s'est intéressé au comportement des grands rapaces. Ils adaptent la forme de leurs ailes pour former des courbures sur leurs extrémités. Celles-ci permettent de diminuer les turbulences et les vortex qui se forment dans le sillage de l'aile.
Suivant ce principe, il teste les premiers winglets sur un Boeing de l'armée américaine. Ces ailettes permettent de réduire les tourbillons qui apparaissent en bout d’aile d’avion. Ces turbulences sont responsables de la traînée induite, une des composantes majeures de la traînée totale d’un avion.
Les winglets qui équipent aujourd'hui les avions commerciaux et militaires permettent donc d'améliorer l'aérodynamisme de l'appareil et de réduire la consommation de l'ordre de 3 à 4%. Un gain économique et environnemental considérable compte tenu des échelles considérées.
Le biomimétisme appliqué à l'aérodynamisme pourrait apporter le même type d'améliorations au secteur automobile, pour mieux penser le profil de pénétration des véhicules et comprendre comment maîtriser les flux d'air.
Crédits images : ©Paul Bonfils
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Le bec du martin-pêcheur : réduire la résistance à l'air et améliorer l'efficacité énergétique du mouvement.
Au début des années 1990, l'ingénieur Eiji Nakatsu est chargé du développement des nouvelles rames du Shinkansen, le TGV japonais. Il est confronté à un problème de taille : la densité de tunnels sur les nouvelles lignes est élevée. Or lancées à pleine vitesse dans ces tunnels, les rames compressent l'air présent, qui se transforme en onde de choc à la sortie. Une nuisance pour les passagers et même certains riverains. Comment supprimer ces booms sonores ?
E.Nakatsu se trouve aussi être ornithologue. Il sait que le martin-pêcheur est un spécialiste du passage d'un milieu peu dense à un milieu dense. Cet oiseau plonge la tête la première à plus de
50 km/h dans les lacs et étangs pour chasser des petits poissons. Pour éviter la commotion cérébrale et pour éviter d'alerter ses proies, la pénétration dans l'eau doit être aussi douce que possible.
E.Nakatsu demande donc à ses équipes de reproduire la morphologie du bec du martin-pêcheur et de l'appliquer à la tête de la locomotive du Shinkansen 500 en développement. Mesurant plus de 10m de long à l'avant, cette nouvelle rame ne connaîtra plus les problèmes d'ondes de choc.
La conception bio-inspirée de la locomotive permettra un gain de vitesse de 10 km/h et permettra surtout de réduire la consommation électrique de l'ordre de 15% ! E.Nakatsu ira même jusqu'à demander à ses ingénieurs de s'inspirer des plumes dentelées du hibou, ce prédateur très silencieux, pour équiper les pantographe de systèmes d'atténuations sonore.