L’économie circulaire est la norme dans la nature : tous les produits sont 100% recyclés. Les déchets n’existent pas au niveau des écosystèmes durables, les rejets du métabolisme d’un être vivant sont la nourriture d’un autre. Cela peut nous inspirer pour transformer nos modes de production vers une économie circulaire.
Zéro déchet, la base pour la nature
Il est souvent plus facile, du point de vue d’une entreprise vendant un produit, de ne pas s'inquiéter du devenir des déchets le long de la chaîne de production. Pourtant tout peut être mis à profit, c’est ce que fait la nature et ce qu’essaye de faire l’économie circulaire.
En écologie, le concept de biocénose regroupe les êtres vivants, leurs organisations et leurs interactions dans un espace écologique donné. Ces systèmes sont extrêmement complexes, chaque espèce interagissant avec un grand nombre d’êtres vivants de son milieu, depuis les bactéries et champignons, jusqu’aux arbres. Une forêt est bien plus que la somme de ses habitants.
Cela explique qu’il soit très rare que l’introduction d’une espèce dans un nouveau milieu se passe bien, la complexité des biocénoses les rendant quasi-impossible à appréhender dans leur intégralité. L’espèce ajoutée finit généralement soit par devenir invasive, et entraîner la diminution ou la disparition d’autres espèces du milieu, soit par ne pas s’adapter et disparaître du milieu.
Les équilibres subtils des biocénoses sont le fruit de longues périodes d'expérimentation et d’évolution, et nous, humains, n’avons que peu de chances de réussir à créer des systèmes aussi complexes et auto-suffisants en quelques décennies. Ce que nous pouvons faire en revanche, par biomimétisme, c’est s’inspirer des méthodes qui ont été sélectionnées et fonctionnent sur le long terme pour concevoir nos propres systèmes de production.
L’aspect zéro déchet est crucial dans l’économie circulaire car produire des éléments qui ne sont pas recyclés par d’autres membres de l’écosystème, c’est la certitude d'un système de plus en plus instable.
La nature sait produire des matériaux avec des propriétés physiques remarquables, qui sont aussi recyclables. Dans les forêts, le bois est recyclé par des champignons qui ont des enzymes spécialisées capables de dégrader de longues chaînes carbonées. Si le principe des écosystèmes forestiers peut être une inspiration en soi pour concevoir des réseaux industriels, les méthodes concrètes employées sont elles aussi des outils puissants que nous pouvons mettre à profit. La lignine, qui donne sa solidité au bois, est faite de longues chaînes carbonées, ce qui est aussi le cas... du plastique ! Certains champignons sont ainsi capables de dégrader du plastique en matière comestible à faible coût énergétique.
Viser une économie circulaire, se donner pour objectif de ne rien produire qui ne soit pas valorisable en fin de vie, et recycler autant que possible sont donc des enseignements que l’on peut tirer de la nature pour créer une société durable.
L’économie circulaire, pour sortir du paradigme de l’économie linéaire
La production linéaire, comme elle est principalement conçue et pratiquée actuellement, puise dans des stocks non-renouvelables ou ne se renouvelant pas assez vite et produit des déchets qui ne sont ni traités par l’économie, ni par les écosystèmes. Ce mode de production n’est pas durable, et n’existe pas dans la nature. L’économie circulaire vise à créer des réseaux de production interconnectés à tous les niveaux, plus proches des écosystèmes pour remplacer le modèle des chaînes de production avec une seule sortie. Pour concevoir de tels systèmes, il faut penser l’industrie dans sa globalité pour identifier les flux et les impacts environnementaux, et encourager la collaboration entre les acteurs économiques.
On peut identifier quatre stratégies permettant de tendre vers cet idéal d’économie circulaire.
Gérer les déchets en boucles fermées
C’est notre première stratégie pour viser l’économie circulaire. Rien ne doit sortir des industries qui ne servent à d’autres acteurs. Cela passe par le recyclage et la valorisation des co-produits, points sur lesquels le biomimétisme peut apporter énormément d’idées pour aider à recycler des matériaux, valoriser les flux d’énergie et de matières de différents acteurs, et pour créer des éco-parcs industriels.
Ces initiatives, comme celles qui suivent, permettent simultanément d’améliorer la rentabilité de l’activité et de réduire leur empreinte environnementale. Une façon de s’assurer de produire des déchets valorisables est de passer par la bio-production, qui utilise la chimie du vivant pour créer les matériaux plutôt que des méthodes basées sur la pétrochimie par exemple.
On peut ainsi créer des alternatives non polluantes et biocompatibles. On peut citer le travail des chercheurs de l’Institut Pascal de Clermont-Ferrand et de l’IRSTEA qui ont développé une colle à partir de carapaces de crevettes et de champignons qui utilise des déchets agro-alimentaires et est elle-même biodégradable.
Diminution des pertes
On dit souvent dans le domaine du développement durable que le meilleur déchet est celui que l’on n’a jamais produit. L’éco-conception, un des piliers de l’économie circulaire, vise à réduire les besoins en matériaux et particulièrement en matériaux non renouvelables, ainsi que les déchets émis tout au long de la vie du produit. Dans la nature, on est avantagé si on n’a besoin que de ressources disponibles facilement et abondamment. De même, pouvoir survivre avec peu d’apport de matière permet de supporter des périodes de disette.
La nature est experte en lightweight design : les éléments naturels ont tout intérêt à limiter leur masse, dans la mesure où les ressources sont limitées, et où une masse excessive gêne la mobilité. Les piverts par exemple, ont un crâne très résistant aux chocs, ce qui leur permet de creuser le bois à grand coup de becs. Cela a inspiré des casques plus légers pouvant absorber 3 fois plus d’énergie lors des chocs. Le biomimétisme est un outil puissant pour l’éco-conception, et des solutions de designs très élégants abondent dans la nature.
Sobriété énergétique
Dans le vivant, l’énergie est le nerf de la guerre. Les arbres jouent des coudes pour capter le rayonnement solaire en premier, les animaux se battent pour l’accès à la nourriture. Parmi différentes bactéries qui trouvent une source de nourriture abondante, celle qui par son métabolisme sera capable, toutes choses égales par ailleurs, de se multiplier avec moins de nutriments, verra sa population grandir bien plus rapidement que les autres, et finira par étouffer ses concurrentes. Généralement, une espèce qui, dans un même environnement, a besoin de plus de nourriture pour accomplir les mêmes fonctions qu’une autre espèce, a un désavantage disqualifiant dans la nature.
Le stock colossal d’énergie que l’humanité a soudainement pu exploiter lors de la révolution industrielle (avec l’exploitation du charbon puis du pétrole) a permis de développer des technologies qui ne remplissent pas les critères de sobriété et d’interdépendance qu’on retrouve dans les systèmes naturels. Du fait de la grande disponibilité des ressources, l’efficacité énergétique n’était initialement pas un critère majeur dans le développement de ces technologies, et même si cela a bien changé désormais, de nombreuses technologies sont encore loin des capacités du vivant en matière d’efficacité énergétique et de résilience ou de modularité (adaptation aux changements).
Dans une logique d’économie circulaire, il faut s'affranchir de notre dépendance à des ressources non renouvelables pour nos besoins énergétiques, ce qui passe entre autres par une meilleure efficacité énergétique. Que ce soit en améliorant l’aérodynamisme, avec des exemples bien connus comme le Shinkansen inspiré du martin pêcheur ou l’Airbus Super Transporter inspiré de la forme du béluga, la gestion des réseaux ou même l’architecture, le biomimétisme n’en est pas à son coup d'essai en sobriété énergétique.
Dématérialisation
En offrant la possibilité de se passer de support matériel pour l’information, l’informatique permet d’éviter de produire des prototypes grâce à la simulation, d’optimiser la gestion de systèmes complexes en temps réel et d’en améliorer notre compréhension. En ce sens, l’informatique peut être un allié puissant pour réduire notre impact environnemental et organiser la coopération multi-acteurs nécessaire à l’économie circulaire.
Les industries se dotent par exemple de jumeaux numériques, pour simuler leurs chaînes de production. Cela permet d’anticiper les conséquences de perturbations, de tester des solutions virtuellement avant de les mettre en place physiquement, et globalement de fonctionner plus efficacement.
La dématérialisation repose cependant sur un support physique : l’informatique consomme de l’énergie (et cette consommation augmente de 9% chaque année), demande des matériaux et génère des déchets. Compte tenu de l’importance croissante de l’informatique dans le fonctionnement de nos sociétés et nos vies quotidiennes, réussir à rendre le secteur plus durable est un enjeu stratégique.
Le biomimétisme offre des possibilités pour réduire le coût matériel et énergétique du stockage et du traitement de l’information. Harvard mène des recherches sur le stockage d’information sur de l’ADN comme dans le vivant. Cette technologie permet de stocker 1000 fois plus de données dans le même volume qu’un disque dur classique, en utilisant uniquement de la matière organique bio-produite.
La recherche sur les algorithmes bio-inspirés est également très active, et permet de créer des solutions élégantes, économes en énergie, s’inspirant par exemple de notre cerveau, qui accomplissent des prouesses calculatoires, résolvant simultanément des problèmes très variés avec seulement 20 Watts (la consommation d’une petite ampoule !).
Relever le défi de l’informatique durable avec ZACK
À terme, il faudrait que nous réussissions à produire des ordinateurs entièrement renouvelables. En attendant, on peut déjà travailler, dans un premier temps, à intégrer une logique d’économie circulaire dans l’informatique.
Des solutions existent déjà pour créer des composants électroniques à partir de matières organiques. Vous avez peut-être déjà entendu parler des OLEDs, les LEDs organiques. Les LEDs classiques utilisent des semi-conducteurs souvent enrichis avec des métaux rares dont les stocks sont limités, l’extraction très polluante et le recyclage très peu répandu. Les OLEDs atteignent des performances excellentes tout en étant entièrement recyclables et très efficaces énergétiquement : elles représentent sûrement le futur de l’éclairage.
Le pan de la bio-informatique visant à utiliser des procédés du vivant pour réaliser des opérations plutôt que des composants électroniques classiques, est un domaine de recherche en pleine explosion, mais qui s'inscrit encore dans des perspectives à long terme. L’efficacité énergétique des systèmes biologiques les rend intéressants en théorie, mais leur mise en œuvre est actuellement trop complexe pour qu’ils soient utilisés à grande échelle.
Nous avons déjà énormément de matériel électronique en circulation. Vous en avez sûrement quelque part que vous n’utilisez plus et nous avons une proposition vous permettant de participer directement à l’économie circulaire !
Le gâchis que représentent tous ces composants électroniques, qui, au mieux, sont oubliés dans des tiroirs et, au pire, finissent par polluer l’environnement, est gigantesque. Partant de ce constat, trois innovateurs, Timothée Mével, diplômé de Supaéro et Polytechnique, Casimir de Hauteclocque, ingénieur des Ponts et Chaussée et Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, diplômé de l’ESSEC, se sont rencontrés à Berkeley où ils ont collaboré pour fonder leur start-up ZACK. ZACK est déjà le leader français de la gestion des produits électroniques de seconde main et permet de valoriser à moindre effort les appareils abandonnés.
L’initiative de ZACK s’inscrit parfaitement dans la logique de l’économie circulaire, en créant un acteur qui va prendre en charge les produits électroniques ne fonctionnant plus et les réintroduire dans l’économie, comme les décomposeurs remettent à disposition de l'écosystème les molécules des êtres vivants.
ZACK a déjà permis la remise en circulation de 800 tonnes de composants électroniques depuis sa création en 2016. ZACK donne aussi l’opportunité de valoriser ses vieux appareils avec un minimum de procédures, puisque l’entreprise revend les composants aux enchères en moins d’un mois. Leurs clients sont souvent surpris de connaître la valeur de leurs appareils électroniques, même hors d’usage.
Allier geste écologique et gain économique tout en rendant la participation aussi simple que possible, c’est ce qui permet à ZACK de participer aux changements des modes de consommation et à la lutte contre l’obsolescence programmée.
Nous pensons qu’il est essentiel qu’autant de personnes que possible entendent parler de ces initiatives qui peuvent donner à chacun un rôle dans la transformation de nos modes de vie et la mise en place d’une économie circulaire. Pour donner un ordre de grandeur, chaque année, c’est 50 millions de tonnes de déchets électroniques qui sont générées, et seulement 20% qui sont recyclées. Ces déchets polluent les sols et les nappes phréatiques, alors qu’ils représentent une valeur de $62.5 milliards annuels (soit un peu plus que le PIB de la Croatie), et qu’une tonne de ces déchets contient plus d’or qu’une tonne de minerai d'or avant traitement.
Autant dire que ZACK a encore du pain sur la planche, et ils n’attendent que vous pour remettre en circulation tous vos vieux téléphones, ordinateurs, radio-réveils, baladeurs ou encore lecteurs cassette. C’est bon pour la planète, bon pour nous, et c’est le genre d’initiatives dont nous avons plus que jamais besoin pour atteindre une économie durable et circulaire !
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