Le rat-taupe nu, rongeur de la famille des Bathyergidés, possède une multitude de propriétés étonnantes et intéressantes pour le domaine de la santé : lutte contre le cancer, ralentissement du vieillissement… Tant de problématiques qui font l’objet de recherches et que le rat-taupe a déjà résolu !
Le rat-taupe croque la vie à pleines dents en creusant des tunnels
Les rats-taupes sont des rongeurs qui vivent en Afrique de l’Est. Parmi cette famille, une espèce se distingue par son aspect particulier : c’est le rat-taupe nu.
Ce mammifère souterrain quasi-aveugle vit dans un réseau de tunnels qui mesurent jusqu’à 5 km de long. Le rat-taupe nu creuse ces tunnels avec ses dents, c’est une fonction tellement importante pour lui qu’un quart de sa musculature est dédié à sa mâchoire ! De plus, il est capable d’avancer en marche arrière aussi vite qu’en marche avant !
Son mode de vie souterrain s’explique par son régime alimentaire. Il est en effet herbivore et affectionne particulièrement les milieux arides. Dans ces zones sèches, les plantes stockent la majorité de leurs ressources (eau et nutriments) dans leurs bulbes et leurs racines. Ce sont ces parties qui sont visées par les rats-taupes nus. Ils n’ont ainsi même pas besoin de boire. Cependant, ils font preuve d’une gestion des ressources remarquable : ils laissent une partie des racines intacte après s’être servi afin que la plante puisse continuer à pousser. Cela leur assure ainsi une source de nourriture durable.
La concentration en oxygène dans les tunnels dans lesquels il vit étant très faible, il a développé une capacité à survivre sans oxygène inédite : il peut passer 18 minutes sans oxygène sans ressentir de changement !
Rat-taupe nu creusant un tunnel avec ses dents
Credits : Justin O’Riain
Le rat-taupe nu, un animal qui vit en société très organisée
Le rat-taupe nu et le rat-taupe de Damara sont les 2 seules espèces de mammifères eusociaux : ils s’organisent en colonies dirigées par un individu fertile, à l’instar des abeilles et des fourmis. Ils vivent en colonies de 80 individus en moyenne, mais leur nombre peut monter jusqu’à 300 individus !
Ils s’organisent autour d’une reine et de 3 mâles reproducteurs alors que le reste de la colonie est stérile. Il y a un système de castes, avec des soldats (les plus gros) et des ouvriers.
Une étude publiée le 29 janvier dans Science a montré que chaque colonie de rat-taupe avait son propre dialecte. Ils repèrent ainsi très rapidement les intrus dans la colonie et peuvent les chasser.
D’autre part, lorsqu’une colonie est en expansion, elle n’hésite pas à enlever des bébés chez des colonies voisines pour en faire des esclaves, d’après une étude publiée dans le Journal Of Zoology.
Colonie de rats-taupes nus
Credits : Gregory G Dimijian / Getty Images/Science Source
Le rat-taupe détient-il la clé de la lutte contre le cancer ?
Ce petit rongeur est plein de ressources et donne des idées à de nombreux chercheurs à travers le monde.
En effet, il a une longévité hors du commun pour un rongeur : il peut vivre jusqu’à 32 ans, alors que les souris ne vivent pas plus de 4 ans. Cela est dû à son métabolisme beaucoup plus lent qui lui permet d’économiser son énergie. Encore plus fort, il ne montre pas de signes métaboliques de vieillissement. Les individus âgés sont tout aussi forts physiquement et aptes à se reproduire que les plus jeunes ! C’est le résultat surprenant qu’a découvert Rochelle Buffenstein qui les étudie depuis plus de 30 ans dans la revue eLife.
Non seulement la vieillesse ne les atteint pas, mais ils ne développent pas de cancer non plus. Ils ont en effet un gène spécial, qui empêche la prolifération des cellules, donc le développement de tumeurs. D’autre part, ils ont des molécules d’acide hyaluronique 5 fois plus grosses que celles des humains dans leurs cellules d’après une étude publiée dans Nature. Cette molécule empêche l’agglutination de cellules, donc lutte là encore contre la prolifération de cellules cancéreuses.
Division cellulaire d’une cellule
Le rat-taupe est donc un message d'espoir pour le domaine de la santé. Tout comme la méduse, ce rongeur défie les lois du temps et du vieillissement, ce qui laisse imaginer toute une panoplie de possibilités de biotechnologies pour lutter contre les cancers et autres maladies dégénératives. L’équipe française de biologie cutanée de l’Institut Cochin, mènent des recherches sur la thématique du vieillissement de la peau : dans le monde de demain, grâce à eux plus de rides ni de cancers de la peau !
Credits photo de couverture : J. Adam Fenster / University of Rochester