Qui n’a jamais entendu parler des forêts comme des “poumons de la Terre” ? Lorsque se posent des problématiques écologiques, les végétaux nous apparaissent souvent comme la solution vers laquelle orienter l’innovation. La photosynthèse, en particulier, est au cœur de la recherche. Et pour de bonnes raisons : en reproduisant ce phénomène artificiellement, il devient possible de créer et stocker de l’énergie, améliorer les conditions de vie dans les villes et même faire progresser la médecine !
La photosynthèse, de l’énergie à revendre !
La photosynthèse est le processus bioénergétique qui permet à certains organismes de synthétiser de la matière organique en utilisant la lumière du soleil. On estime que ce phénomène est apparu il y a 2,45 milliards d’années, chez les cyanobactéries.
Cette photosynthèse, nous la devons aux chloroplastes, des organites spécifiques aux plantes/cellules végétales. Ces chloroplastes sont, en quelque sorte, une “boîte à outils” contenant tous les instruments nécessaires à la photosynthèse. En captant la lumière du soleil, les chloroplastes cassent les molécules d’eau (H2O), et séparent les atomes d’hydrogène des atomes d’oxygène. Cela permet de libérer de l’énergie, qui est alors utilisée pour produire des glucides (sucres). Pour cela, des atomes d'hydrogène sont associés à des molécules de dioxyde de carbone et les atomes d’oxygène sont rejetés. L’énergie solaire captée par les chloroplastes est stockée dans ces glucides.
À l’échelle mondiale, l’énergie solaire ainsi récupérée et transformée par la biosphère équivaut à 6 fois celle produite par l’ensemble des activités humaines ! Avec de telles performances, la photosynthèse offre des perspectives prometteuses en termes de stockage et production d’énergie ainsi que de réduction de notre bilan carbone.
La photosynthèse artificielle, un casse-tête prometteur
Compte tenu de l’incroyable performance de la photosynthèse dans la nature, il n’est pas étonnant que nous ayons envie de faire pareil ! La photosynthèse artificielle est un défi pour les chercheurs, qui, malgré de nombreuses découvertes, ont encore beaucoup de progrès à faire.
Actuellement, il existe déjà des appareils capables de réaliser une photosynthèse artificielle, mais ceux-ci s’usent généralement rapidement et doivent être fréquemment remplacés. Récemment, une équipe de chercheurs de l’Université du Michigan et du Lawrence Livermore National Laboratory a mis au point un dispositif photosynthétique artificiel dont l’efficacité augmente avec le temps. Initialement l’appareil avait été conçu pour produire de l'hydrogène propre, et avait déjà donné de très bons résultats. En essayant de comprendre d’où venaient les bonnes performances de l’appareil, les chercheurs de l’équipe ont découvert que celui-ci gagnait en efficacité au fur et à mesure qu’il était utilisé. Une découverte intéressante, certes, mais probablement encore insuffisante ! La photosynthèse artificielle est un véritable casse-tête, et les progrès faits par l’homme sont encore minimes comparés à ceux qu’il reste à faire.
À défaut de parfaitement maîtriser la photosynthèse artificielle, il est possible de donner un coup de pouce à la photosynthèse naturelle ! En s’inspirant des carboxysomes du phytoplancton, on peut en effet améliorer le rendement de la photosynthèse dans d’autres cellules végétales. Les carboxy-quoi ? Car-bo-xy-somes ! Ce sont des micro-compartiments présents dans des cellules bactériennes (on pourrait les comparer aux chloroplastes). Ils contiennent des enzymes, qui sont responsables de la fixation du dioxyde de carbone lors de la photosynthèse. Plus particulièrement, les carboxysomes permettent de concentrer le CO2 là où se trouve l'enzyme Rubisco.
Avant toutes choses, une enzyme, qu’est-ce que c’est ? C’est une protéine, produite par nos cellules, qui agit comme catalyseur dans les réactions chimiques. C'est-à-dire qu’une enzyme rend possible des réactions chimiques qui ne se feraient pas sans elle. L’enzyme Rubisco, en particulier, joue un rôle important dans la photosynthèse. Elle a deux types d’activités : soit elle limite le phénomène photosynthétique, soit au contraire elle augmente son rendement. Or les carboxysomes permettent de concentrer le CO2 autour de la Rubisco, et favorisent donc l’activité qui accentue la photosynthèse. Drôlement pratiques, ces carboxysomes ! En ayant recours à des modifications génétiques, il devient ainsi possible de faire produire des carboxysomes à des plantes, et de provoquer ce phénomène de concentration du CO2. La photosynthèse n’est plus limitée par la Rubisco, et ne dépend plus que de l’ensoleillement. Grâce à ce procédé, on pourrait augmenter le rendement agricole (la photosynthèse contribue à apporter de l’énergie aux plantes donc à renforcer leur croissance) de près de 36%, soit un peu plus d’un tiers !
La photosynthèse, un carburant vert ?
Mais au fait, pourquoi se fatigue-t-on à recréer la photosynthèse artificiellement ? Tout simplement parce qu’elle offre des solutions durables à de nombreuses problématiques. En particulier, elle pourrait être à l’origine de carburants propres !
De nombreux procédés industriels utilisent de l’acide formique, qui peut servir de carburant propre ou être converti en hydrogène. Or, généralement, la production d’acide formique à partir de CO2 produit aussi de nombreux déchets. En s’inspirant de la photosynthèse, des scientifiques de l’Université de Cambridge ont conçu un photocatalyseur, ou “photofeuille”, capable de synthétiser de l’acide formique à partir d’eau et de dioxyde de carbone, en ne laissant presque aucun déchet, et sans utiliser d’électricité ! Des catalyseurs métalliques sont utilisés pour absorber la lumière, jouant ainsi le rôle du pigment chlorophylle dans la photosynthèse naturelle. Ces pigments, dits assimilateurs, permettent la transformation de l’énergie lumineuse en énergie chimique qui a lieu au cours de la photosynthèse. Les nanoparticules d’or sont particulièrement efficaces en tant que catalyseurs métalliques : leurs surfaces interagissent favorablement avec les molécules de CO2, elles absorbent efficacement la lumière, et elles ne se dégradent pas... La photofeuille a des goûts de luxe !
Le dispositif ne mesure actuellement que 20 cm² mais pourrait être facilement mis à l’échelle pour une utilisation industrielle. En revanche, son rendement énergétique reste encore assez faible, et vise une productivité à plus long terme. Le dispositif de photofeuille est une belle innovation mais encore toute petite avancée.
La photosynthèse, nouvelle championne de l’industrie ?
Dépolluer grâce à la photosynthèse : c’est l’objectif que s’est fixé CarbonWorks, une coentreprise créée par Suez et Fermentalg, qui a pour ambition de valoriser le CO2 généré par les activités industrielles.
Pour y parvenir, l’entreprise compte sur la photosynthèse des microalgues. Celles-ci se développent grâce au carbone contenu dans le CO2, mais également grâce à l’oxyde d’azote et aux particules fines. En captant le CO2 produit par l’industrie, CarbonWorks produit de la matière organique à partir d’algues (biomasse algale), qui pourrait ensuite servir de fongicides ou d’aliments pour animaux. L’entreprise a déjà mis au point deux prototypes. Le premier a été installé dans une école pour y purifier l’air ambiant, tandis que le second a été testé dans une station d’incinération. L’avantage de ce procédé est qu’il occupe peu de terres agricoles, consomme peu d’eau, et ne porte pas atteinte à la biodiversité.
La photosynthèse pourrait rendre votre vie plus belle
La photosynthèse, un architecte aux idées lumineuses !
Pour capter le plus de lumière possible, et ainsi réaliser sa photosynthèse, une petite plante grasse nommée Haworthia Obtusa, que l’on trouve dans les régions aride d’Afrique du Sud, a été dotée de caractéristiques bien particulières : elle a la particularité d’avoir des cellules transparentes ! Celles-ci captent la lumière, et la diffusent ensuite vers l’intérieur de la plante, où se situent les cellules chlorophylliennes, impliquées dans la photosynthèse. Une caractéristique aussi jolie qu’efficace : la Haworthia Obtusa peut réaliser sa photosynthèse dans l’obscurité.
Une fois n’est pas coutume, l’ingéniosité de la nature est une source d’inspiration pour l’homme. En utilisant le même système de captation de la lumière que l’Obtusa, il est possible d’éclairer l’intérieur de bâtiments grâce à la lumière du soleil. Un dispositif de cellules artificielles capte la lumière du soleil en haut d’un bâtiment, puis la diffuse vers l’intérieur du système jusqu’à une fibre optique, qui joue le rôle des cellules chlorophylliennes. La fibre optique amène ensuite la lumière vers les éclairages du bâtiment. Un tel système présente deux avantages. D’une part, il capte beaucoup plus de lumière qu’avec une fibre optique simple. D’autre part, il permet de limiter la consommation d’énergie due à l’éclairage. Cependant, le dispositif n’est pas sans failles : il ne fonctionne pas la nuit !
L’Obtusa n’est pas la seule à bénéficier de l’ingéniosité de la nature ! De manière générale, la structure des plantes est faite pour maximiser la surface foliaire ensoleillée, afin d’optimiser leur photosynthèse. Les feuilles sont implantées de manière stratégique, pour laisser un maximum d’accès au soleil. La phyllotaxie, qui étudie les dispositions et arrangements chez les végétaux, permet de s’inspirer de l’implantation des feuilles pour optimiser la surface exposée au soleil d’un bâtiment. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait les frères Teva et Nicolas Vernoux, respectivement biologiste et architecte. Ces derniers ont conçu le design de maisons surélevées sur deux niveaux et spiralées mimant la phyllotaxie, pour favoriser la récupération de la lumière du soleil. En optimisant ainsi la surface ensoleillée d’un bâtiment, on peut réduire jusqu’à 20% de l’énergie dépensée en chauffage !
La photosynthèse, un vent de fraîcheur !
Avez-vous déjà entendu parler des “îlots de chaleur urbains” (ICU) ? Cette expression désigne un phénomène d’élévation de la température en milieu urbain, par rapport aux zones rurales voisines. Ce sont des microclimats artificiels, provoqués par les activités humaines en région urbaine. De manière générale, et encore plus dans un contexte de dérèglement climatique, ce phénomène a de nombreux effets néfastes. Les îlots de chaleur urbains peuvent aggraver les épisodes de canicule, avoir des répercussions sanitaires conséquentes, et bien sûr affecter la biodiversité des zones concernées.
Pour lutter contre ce phénomène, une jeune start-up, Urban Canopee, propose de créer une canopée artificielle afin de rafraîchir les villes. Les Corolles composant cette canopée sont faites d’une armature légère en composite sur laquelle est posé un couvert végétal de plantes grimpantes. Elles créent ainsi des zones d’ombre, captent le CO2 grâce à la photosynthèse des plantes la composant, et rafraîchissent la ville par évapotranspiration (émission de la vapeur d’eau de la surface du sol vers l’atmosphère via l’évaporation et la transpiration des plantes). Par ailleurs, l’armature est posée dans un pot connecté, qui fonctionne à l’énergie solaire. Celui-ci contient des capteurs permettant de gérer l’irrigation et d’assurer un suivi de l’installation, mais également d’effectuer toute sorte de relevés (températures, hygrométrie, particules diverses, présence de la biodiversité). Enfin, cerise sur le gâteau : les structures sont connectables, pour couvrir une large surface en l’air tout en occupant un minimum de surface au sol.
Avec la photosynthèse, la médecine n’a qu’à bien se tenir !
La photosynthèse fait vivre les plantes, mais si elle faisait aussi vivre les humains ? En effet, la photosynthèse artificielle ouvre des portes dans le domaine de la santé, et pas des moindres…
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont aujourd’hui la deuxième cause de mortalité en France, et un problème de santé public majeur. Même pour les survivants, les séquelles peuvent être graves, et parfois même irréversibles. Cela s’explique par le fait que la prise en charge d’un AVC est complexe : il faut intervenir en quelques heures. Lors d’un AVC dit ischémique (soit 80 à 85% des cas), un caillot sanguin obstrue une artère cérébrale, ce qui déclenche une baisse du flux sanguin, et une mauvaise oxygénation des neurones. C’est ce manque d’oxygène qui est à l’origine des séquelles que provoque l’AVC. Or, d’après les recherches d’une équipe de l’université des sciences et des technologies de Wuhan, il serait possible, grâce à la photosynthèse, de pallier cette diminution d’oxygène le temps de prendre en charge l’AVC.
Comment ? Et bien tout simplement en utilisant des cyanobactéries, plus particulièrement la Synechococcus elongatus, capable d’effectuer de la photosynthèse, et donc d’absorber le dioxyde de carbone rejeté par les cellules cérébrales et de rejeter de l’oxygène. C’est bien beau, me direz vous, mais pour la photosynthèse, il faut de la lumière ! Et on a beau être quelqu’un de brillant, il n’y a pas de lumière dans notre cerveau… Mais à chaque problème sa solution : la Synechococcus elongatus est injectée avec des nanoparticules dont le cœur est constitué de néodyme (métal du groupe des terres rares, on en trouve par exemple dans les pierres à briquets !). Ces particules captent les rayonnements dans l’infrarouge proche, et les réémettent sous forme de lumière visible. Une fois les cyanobactéries et les particules injectées, il suffit donc d’émettre des infrarouges à l’extérieur du crâne, ceux-ci pénétrant facilement les tissus, pour activer la photosynthèse des nanoparticules.
Un jeu d’enfant ! Et les résultats sont concluants : on trouve moins de neurones morts à la suite de l’AVC, et la thérapie favorise la création de nouveaux vaisseaux sanguins (ce qu’on appelle l’angiogenèse). Le traitement en est encore à un stade expérimental, mais ses bons résultats en font une piste très prometteuse pour soigner les AVC.
Mais ne nous arrêtons pas là : que diriez-vous de synthétiser des médicaments grâce à l’énergie solaire ? C’est ce que propose la Eindhoven University of Technology, avec son dispositif de “feuille-usine” en silicone. Cette toute petite structure (seulement quelques centimètres) a pour but d’absorber la lumière avec des pigments fluorescents imitant la chlorophylle, et d’utiliser l’énergie captée pour transformer des composés liquides en médicament. C’est ce que l’on appelle de la photochimie. Ces pigments sont intégrés dans le dispositif en silicone, qui possède également la capacité de réguler les flux de réactifs selon l’intensité de la lumière, et donc de maximiser les rendements quelles que soient les conditions d’ensoleillement : 90% par temps dégagé et 40% par temps couvert. Décidément, la photosynthèse n’a pas fini de nous impressionner !
La photosynthèse est un phénomène naturel fascinant, et un défi scientifique plein de promesses ! Malgré toutes ses belles découvertes, l’homme a encore beaucoup de progrès à faire pour développer la photosynthèse artificielle, et pouvoir exploiter toutes les opportunités qu’elle offre. Énergie solaire, carburants, conditions de vie urbaines, santé… prendre exemple sur la nature n’a jamais été aussi bénéfique !
Pour en apprendre encore plus sur la photosynthèse, et sur les perspectives qu’offre l’énergie solaire, n’hésitez pas à consulter notre article sur l’Institut Photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF).