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Biomimétisme : Top 5 des technologies emblématiques

Dernière mise à jour : 24 juil.

Le biomimétisme est une méthode d’innovation qui a déjà connu des succès retentissants au cours de son histoire. Nous vous proposons ici de passer en revue les 5 plus emblématiques d’entre eux : ceux qui ont contribué à faire connaître le biomimétisme comme une méthode d’innovation performante auprès du grand public.


Le premier exemple emblématique du biomimétisme : le Velcro


Le Velcro, communément appelé le scratch

Le Velcro est sans doute l’exemple le plus célèbre de biomimétisme. C’est un système de fermeture dont le fonctionnement est simple : d’un côté une surface sur laquelle sont disposés des centaines de petits crochets, de l’autre une autre surface recouverte de centaines de petites boucles. Lorsqu’on presse les deux surfaces l’une contre l’autre, les crochets s’agrippent aux boucles et forment un système de fermeture fiable, réversible et solide. C’est un système qui a l’avantage de pouvoir se défaire assez aisément si l’on exerce une force suffisante, tout en étant parfaitement réutilisable. En fonction des matériaux utilisés pour les crochets et les boucles, le Velcro est capable de résister à des forces impressionnantes : saviez-vous qu’un carré de 5 centimètres de côté de Velcro est capable de supporter une masse de 80 kg ! Ces propriétés ont donné au Velcro des applications très diverses, allant de nos baskets d’écoliers aux navettes de la NASA !


La bardane : l'inspiration biologique à l'origine du Velcro

Le Velcro est un cas exemplaire de biomimétisme car il se fonde sur la technique de dissémination de la bardane, une plante commune dans nos campagnes. Le fruit de la bardane, qui contient ses précieuses graines, est recouvert de petits crochets. Lors du passage d’animaux à poils (mammifères), les fruits de la bardane s'accrochent à leur pelage et sont disséminés ainsi à des distances de plusieurs dizaines de kilomètres : un moyen ingénieux pour une plante immobile de conquérir de nouveaux territoires en exploitant la mobilité des animaux ! Cette stratégie de dissémination est appelée la zoochorie, et a été directement à l’origine de l’invention du Velcro par biomimétisme.


Le fruit de la bardane : à l'origine de l'invention du Velcro

Comment et par qui le Velcro a-t-il été inventé ?


En 1941, l’ingénieur suisse George de Mestral revient d’une partie de chasse. Son chien, Milka, qui a passé sa matinée à traîner dans les fourrés, a les poils densément recouverts de fruits de bardanes. Les enlever un à un demande à George de Mestral beaucoup de patience. Il eut tout le temps d’observer le fonctionnement de ces petits fruits tenaces. Par curiosité, il en analyse quelques-uns au microscope et remarque que leurs crochets sont déformables et reviennent à leur position initiale lorsqu’on les arrache des poils. C’est ainsi qu’il eût l’idée d’en faire un système de fermeture rapide, qui deviendra l’un des exemples les plus emblématiques du biomimétisme !


George de Mestral et son chien Milka

Le deuxième exemple phare : le Shinkansen


Le Shinkansen, un train japonais aérodynamique

Le Shinkansen, célèbre train japonais précurseur des lignes à grande vitesse, est sans doute le deuxième exemple le plus emblématique du biomimétisme. Circulant à plus de 300 km/h, il est l’un des trains les plus fiables du monde. Sur l’île d’Honshū, il relie les arrondissements de l'agglomération de Tokyo (la plus peuplée au monde avec ses 42 millions d’habitants), aux villes de Nagoya et d’Osaka dans un continuum urbain très dense et qui plus est, dans un milieu géologique très accidenté. Le tracé des lignes du Shinkansen comporte donc de nombreux tunnels pour traverser les villes et les montagnes. Or, il se trouve que chaque fois qu’il entrait dans un tunnel à grande vitesse, le Shinkansen générait une onde de choc causant d’importantes nuisances sonores. Or, dans le contexte de très forte urbanisation de la population japonaise depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les problématiques de nuisances sonores ont pris une importance croissante au fil du temps. Dès les années 1980, il commençait à devenir indispensable de trouver une solution à la nuisance sonore du Shinkansen dans une zone si densément peuplée.



Le martin pêcheur, à l'origine de l'optimisation du Shinkansen

Les martins-pêcheurs (famille des alcédinidés) sont des oiseaux présents sur tous les continents à l’exception de l’Antarctique. Ils sont spécialisés dans la pêche à l’affût : ils passent une grande partie de leur temps perchés au-dessus des eaux peu profondes et plongent le bec en avant pour saisir les petits poissons qui s’aventurent près de la surface. Véritable concentré de technologies, le martin-pêcheur possède, entre autres, un œil capable de corriger les aberrations chromatiques causées par la lumière se reflétant dans l’eau. Cela lui permet de voir très distinctement ce qui se passe sous la surface quand nous n’y voyons qu’un reflet du ciel. En revanche, ce qui a permis aux ingénieurs japonais de résoudre leur problème, c’est la forme de son bec. En effet, lorsqu’ils fendent la surface de l’eau, ces petits oiseaux parviennent à ne générer presque aucune éclaboussure, ce qui leur permet d’atteindre des proies à plus de vingt centimètres de la surface avec davantage de rapidité et de discrétion. Par temps calme, lorsque la surface de l’eau est lisse, leur taux de réussite est tout simplement de… 100 %. Le secret de cet hydrodynamisme réside dans la forme de son bec : long, fin, en fer de lance, et profilé en continuité parfaite avec la forme de son crâne. C’est ce bec qui, par biomimétisme, a permis aux ingénieurs du Shinkansen de résoudre la problématique des nuisances sonores.


Le martin pêcheur : à l'origine du Shinkansen

En particulier , c’est Eiji Nakatsu, ingénieur ferroviaire qui travaillait sur le projet du Shinkansen, qui est à l’origine de cette innovation par biomimétisme. Également ornithologue, il avait observé le martin-pêcheur en action de pêche. Il remarqua que le Shinkansen et le martin-pêcheur partageaient des contraintes semblables : le bec de l’oiseau, comme l’avant du train, rencontre soudainement de fortes résistances. Par biomimétisme, il s’est inspiré de la forme du bec du martin-pêcheur, pour redessiner un nouveau nez au Shinkansen. Et les modélisations qu’il a réalisées lui confirment que cette piste était la bonne. Lorsqu’il entra en service en 1997, le Shinkansen 500 inspiré du martin-pêcheur offrait :

  • Une réduction du boom à l'entrée des tunnels et une course plus silencieuse en général ;

  • Une réduction de la consommation électrique de 15 % ;

  • Une augmentation de la vitesse de 10 %.

C’est un exemple emblématique du biomimétisme. Il permet de mettre en relief l’une des composantes essentielles de l’innovation en général, et du biomimétisme en particulier : la pluridisciplinarité. C’est parce que Eiji Nakatsu était à la fois ingénieur et ornithologue qu’il est parvenu à transposer l’évidence qu’il observait en une solution applicable industriellement grâce au biomimétisme.


Le Shinkansen

L'hydrophobie du lotus : un des exemples les plus connus du biomimétisme


Le Lotus

Le lotus sacré est une fleur d’eau répandue dans une grande majorité de l’Asie. Les lotus vivent en colonies dans les eaux peu profondes. Ils forment souvent un écosystème riche en amphibiens, oiseaux et insectes : leurs larges feuilles forment un tapis à la surface de l’eau sur lequel de nombreux organismes se déplacent en y déposant des corps solides (boue, déjection, particules, etc.). Or, le lotus dépend de la photosynthèse de ses feuilles pour survivre. Si des particules empêchent la lumière d’atteindre la surface de ses feuilles, ou la limitent par endroit, il en résultera une performance énergétique inférieure. L’évolution a conduit les lotus à développer une technique élaborée permettant d’optimiser leur performance énergétique : la superhydrophobie. Le principe est simple : la structure de la surface de la feuille du lotus empêche à tel point l’adhésion des particules et de l’eau, que la moindre goutte d’eau emporte avec elle toutes les saletés à la surface de la feuille. Ainsi, la surface de la feuille de lotus est autonettoyante. C’est cette caractéristique qui a inspiré de très nombreuses innovations par biomimétisme.


Le lotus : végétal à l'origine d'un grand nombre de technologies biomimétiques

L’effet lotus : qu'est-ce que c'est ?

La superhydrophobie du lotus était connue depuis des siècles mais n’a pu être expliquée qu’avec l’invention du microscope électronique, c’est seulement une fois qu’on l’a comprise qu’elle a pu être à l’origine d’innovations par biomimétisme. Dans les années 1970, le botaniste allemand Wilhelm Barthlott en a percé le mystère. Celle-ci s’explique par des villosités à la surface de la feuille, elles-mêmes recouvertes de micro-villosités. Cette double villosité crée une rugosité à l’échelle nanométrique. Cette rugosité crée si peu de points de contacts entre les gouttes d’eau et la feuille que la goutte “glisse” sur la surface, emportant avec elle toutes les micro-particules de poussière ou de saleté. C’est cette structure nanométrique qui a inspiré de nombreuses applications par biomimétisme.

L'hydrophobie sur les feuilles de lotus vs les feuilles de nénuphar


Cette découverte de Wilhelm Barthlott a donné naissance à des applications industrielles dès les années 1990. On trouve des applications dans de nombreux secteurs : peintures autonettoyantes pour façades dans la construction, revêtements pour verre hydrophobe, textiles et cuirs synthétiques superhydrophobes, etc. Récemment des panneaux solaires reproduisant la structure nanométrique particulière du lotus ont été développés pour obtenir l'effet hydrophobe auto-nettoyant, et comme la feuille de lotus, optimiser leur captation de l’énergie solaire.

Depuis la découverte de l’effet lotus, on s’est aperçu que de nombreuses autres plantes avaient des propriétés similaires comme la capucine ou… le poireau !



La peau de requin : le 4ème exemple phare du biomimétisme


Les requins : un organisme biologique riche pour le biomimétisme

Les requins ont colonisé l’ensemble des mers et océans du globe. Il en existe environ 500 espèces différentes. Il y a beaucoup de raisons à ce succès évolutif. Leur système olfactif très développé leur permet de repérer leurs proies à de grandes distances sous l’eau. En plus de cet odorat, ils sont équipés d’organes sensoriels appelés “ampoules de Lorenzini” qui leur permettent de détecter les champs électromagnétiques présents dans l’eau ainsi que les gradients de température. Ils sont ainsi capables de repérer une contraction musculaire et donc de localiser leur proie. Mais il y a une autre caractéristique des requins qui leur a donné un avantage certain : leur capacité à se mouvoir facilement dans l’eau. Si tous les requins n’ont pas en réalité une forme hydrodynamique, ils ont une caractéristique étonnante qui leur permet d’augmenter fortement leur capacité à se déplacer dans l'eau en dépensant peu d'énergie : la structure de leur peau.


L’hydrodynamisme de la peau de requin

Contre toute attente, la peau de requin est très rugueuse au toucher. A rebours de notre intuition, l'hydrodynamisme n’est pas optimisé par une surface parfaitement lisse. Au contraire ! La peau de requin est en réalité constituée d’une myriade de petites écailles qui s’enchevêtrent. Ces petites écailles ont la particularité de comporter des micro-rainures à leur surface, qui génèrent une sorte de “pellicule” d’eau qui limite les frottements du corps du requin avec le fluide. C'est ce qu'on appelle une technique de contrôle d'écoulement. C'est cela qui diminue les frottements et permet au requin un déplacement à faible coût énergétique.

Cette structure étonnante a engendré des applications très diverses en hydro- et en aérodynamique. L’aéronautique, qui n’en est pas à ses débuts en matière de biomimétisme, s’est emparée de l’opportunité. Le constructeur aéronautique Airbus s’en est inspiré pour développer un revêtement pour les avions destiné à réduire la consommation de carburant. Les tests ont été très concluants et ont permis de réduire la traînée de 10 % : ce qui entraînerait des économies de carburant de plus de 1 % ! C’est colossal ! En 2019, Airbus a annoncé la commercialisation prochaine de ce revêtement qui est un exemple très éloquent du biomimétisme.


La peau du requin

Mais ce n’est pas tout ! Le biomimétisme a trouvé d’autres applications à cette étonnante structure de la peau des squales. La microstructure des écailles a un ratio hauteur/largeur qui empêche la fixation des micro-organismes, et leur prolifération. Une entreprise américaine, Sharklet Technologies, s’est inspirée de ces micro-rainures présentes pour créer une surface structurellement antibactérienne. Le motif et la taille des rainures (2 microns de large et 3 microns de hauteur) empêchent les colonies de bactéries d'adhérer et de coloniser la surface. Les applications de cette technologie sont très prometteuses dans le secteur médical : par exemple pour des pansements, des films adhésifs (pour protéger les surfaces), des cathéters, etc. Selon le type de surface, la prolifération des bactéries est réduite de 70 à 97 % !


Le biomimétisme a permis d’imaginer d’autres applications à cette structure de la peau du requin. Pour la création de combinaisons de natation, ou la conception de revêtements antifouling pour les coques de bateau. Après un long séjour dans l’eau, des microorganismes se développent sur leur carène (partie immergée). Ces derniers peuvent augmenter la traînée d’un bateau de 30 % à 50 % ! Aujourd’hui le carénage coûte cher et demande l’utilisation de produits chimiques nocifs pour nettoyer la coque et la repeindre. Un antifouling structurel inspiré de la peau des requins pourrait permettre une meilleure efficacité avec un emploi bien plus restreint de substances chimiques !


Ici encore un exemple de biomimétisme qui montre la diversité des applications qui peuvent être inspirées d’une seule caractéristique du vivant !



La peau du gecko : dernier exemple emblématique du biomimétisme


Le gecko

Connaissez-vous les geckos ? Ce sont de petits lézards nocturnes que l’on surprend souvent les soirs d’été derrière les volets des maisons dans le sud de la France. De gros yeux, un corps trapu, des pattes en étoiles au doigts épais, et toujours la tête à l’envers. Il en existe de très nombreuses espèces, répandues sur tous les continents et aux aspects très différents. Certains ont des capacités à copier la forme de leur support pour se camoufler, une stratégie appelée mimétisme. Mais toutes partagent une caractéristique commune : la capacité étonnante à pouvoir marcher sur n’importe quelle surface verticale ou en dévers avec autant d’aise que nous le pouvons sur un sol bien horizontal. Il n’est pas rare de les voir courir le long des murs ou même sur une fenêtre !


L’adhérence des pattes du gecko

Le secret de cette capacité réside dans la structure de ses pattes. Ou plutôt… des poils de ses pattes. En effet, les doigts des geckos sont recouverts de poils microscopiques très denses : les setae. Il y en a plusieurs milliers par mm2. Chacun de ces poils est ramifié à son extrémité en plusieurs autres petits poils encore plus fins. Cette densité de poils conduit à une interaction au niveau moléculaire avec le support sur lequel évolue le gecko. Cette interaction moléculaire est appelée “force de Van der Waals”. C’est une interaction électrique de faible intensité entre les atomes qui crée une adhésion entre les setae et la surface. Grâce à ces millions de poils, le gecko est capable de parcourir n'importe quelle surface. Et c’est cette caractéristique que le biomimétisme tente d’exploiter.


Ces poils ont été découverts en 2005 ! Depuis 2005, de nombreuses innovations par biomimétisme se sont inspirées de ce principe pour chercher des solutions d’adhérence réversible. Par exemple des robots miniatures capables de grimper sur du verre, ou encore le Geckskin, un adhésif structurel, collable / décollable, sans substance adhésive ni produits chimiques, qui tient par la seule la force de Van der Walls. Le gecko est célèbre dans le biomimétisme en raison du nombre important de recherches en cours qui s’inspirent de la structure de ses pattes, et par les perspectives prometteuses qu'offre le déplacement sur n’importe quelle surface. En 2015, un chercheur de Stanford est parvenu à escalader une paroi vitrée grâce à un assemblage de plaques adhésives inspirées des pattes du gecko.


Gecko à la verticale


Ces 5 exemples emblématiques du biomimétisme sont les plus connus du grand public, et que l'on retrouve invariablement dans toutes les publications de vulgarisation autour du biomimétisme. Ils sont en effet éloquents, mais ne constituent que la partie émergée de l’iceberg. En effet, il existe des milliers d’autres technologies bioinspirées déjà développées, et encore bien plus à inventer !


La biodiversité est une source intarissable d’inspiration pour innover. Le biomimétisme est une méthodologie de recherche et d’innovation encore très nouvelle, qui reste en très grande partie à explorer.


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