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Biomimétisme et économie d’énergie

Dernière mise à jour : 16 sept. 2022

Biomimétisme et économie d’énergie : optimiser les systèmes de chauffage en s’inspirant du rein humain et de la peau du caméléon, concevoir des algorithmes d’optimisation à partir des réseaux mycorhiziens ou encore améliorer l’aérodynamisme des surfaces en s’inspirant de la muqueuse des poissons — autant de systèmes biologiques dont le biomimétisme s’inspire pour imaginer des solutions plus économes en énergie. Le biomimétisme est l’une des pistes crédibles face à l’impératif de sobriété énergétique et nous vous expliquons pourquoi dans cet article !



Economies d’énergie thermique

La consommation d’énergie pour se réchauffer (ou se refroidir) est la principale source de toutes nos dépenses énergétiques, puisqu’elle représente plus de 50 % des dépenses mondiales. L’économie d’énergie thermique est donc un enjeu primordial pour répondre à nos besoins tout en diminuant notre impact et nos consommations. Le vivant étant un expert des échanges thermiques entre les corps et leur environnement, le biomimétisme a énormément de sujets inspirants sous la main à développer.


Par exemple, l’isolation thermique : un sujet essentiel pour faire face aux “passoires thermiques” énergivores que représentent nos habitations. En effet, une bonne isolation nous permet de moins chauffer ou moins refroidir les pièces. Les meilleurs exemples biologiques d’isolation thermique sont ceux qui vivent dans un environnement froid, voire glacial.


C’est le cas de l’ours polaire, qui, pour survivre dans des conditions extrêmes de température (eau et air), dispose d’un duvet poilu très dense et imperméable à l’eau. Le cœur de ses poils, creux et rempli d’air, lui procure un excellent isolant thermique. Sa peau noire (sous les poils) lui permet d’absorber plus d’énergie solaire et donc de mieux se réchauffer. Enfin, son épaisse couche de graisse, située sous sa fourrure, fait partie de cet ensemble très isolant.


C’est de cette structure en poils creux que se sont inspirés des chercheurs intéressés par le biomimétisme pour développer un textile isolant, réalisant une superposition de couches de nano-fibres textiles poreuses. Ce procédé permet d’isoler le matériau thermiquement car l’air est piégé entre les couches poreuses. De plus, la présence des pores contraint le déplacement des molécules excitées par la chaleur et donc sa transmission. Le rayonnement infrarouge (IR), émis par les corps chauds, est également conservé car la lumière est réfléchie dans les interfaces solides-air entre chaque couche.


Les résultats sont probants : le textile est un bon isolant thermique et il est résistant à l’usure. Cette innovation par biomimétisme peut s’utiliser sur des bâtiments où il peut conduire à près de 30 % d’économie d’énergie. Ou bien sur des vêtements auxquels il donne, en plus des propriétés isolantes, une très bonne respirabilité !


Le duvet dense au pouvoir isolant de l’ours polaire

Il est aussi possible de limiter notre consommation énergétique dans le bâtiment en agissant sur les vitres. Il est ainsi possible de se servir de ces vitres autrement que pour l’éclairage. C’est le cas des vitres dites électrochromes, capables de changer de couleur, du moins d’opacité et de transparence, pour répondre à nos besoins thermiques. Leur mécanisme s’inspire des propriétés stupéfiantes de changement de couleurs des caméléons ou des céphalopodes (pieuvres, seiches, calamars).


Pour se camoufler, communiquer ou s’adapter à la température de leur environnement, ces animaux changent de couleur pour absorber plus ou moins la lumière. Par exemple, une couleur proche du noir absorbera davantage d’énergie qu’une couleur plus claire. Cette capacité est notamment due aux cellules présentes dans leur peau, appelées chromatophores ou encore iridophores, qui en se contractant ou se dilatant absorbent des couleurs différentes.


C’est ce mécanisme qui a inspiré les vitrages électrochromes pour réduire la consommation énergétique des bâtiments. Cette économie d’énergie est rendue possible par le biomimétisme en faisant varier l’opacité de la vitre selon les conditions et les besoins. Grâce aux réactions chimiques dans le film électrochrome posé sur la vitre, semblables à celles des cellules chromatophores, l’opacité est pilotée par des impulsions électroniques. L’augmentation de l’opacité des vitres engendre une diminution de la transmission du rayonnement solaire à l’intérieur du bâtiment (comme le feraient des rideaux ou des volets) et il est donc moins nécessaire de refroidir ces pièces en été avec de l’air conditionné énergivore. A l’inverse, pour limiter au maximum le chauffage dans des périodes froides, les vitres sont rendues les plus transparentes possible afin d’accueillir le maximum de chaleur provenant des rayonnements solaires, toujours grâce au biomimétisme.


Le caméléon, capable de changer de couleurs à volonté

Pour économiser l’énergie thermique, le biomimétisme peut également s’inspirer de l’anse de Henlé du rein humain. Le rôle des reins est de récupérer les substances intéressantes (eau et minéraux) lors du passage de l’urine dans le rein. Ils ont donc un rôle de filtration. L’anse de Henle en forme de “U” maximise ce pouvoir filtrant car l’urine augmente graduellement en concentration au fur et à mesure qu’elle se rapproche de la base du U, ce qui permet de mieux extraire les substances intéressantes.


C’est à partir de ce phénomène, appelé multiplication à contre-courant, qu’a été développé un échangeur thermique passif pour maximiser la chaleur récupérée. Cet échangeur par ventilation passive vise à récupérer la chaleur de l’air sortant et la transmettre à l’air entrant pour minimiser la puissance de chauffage nécessaire. Ce système permet ainsi de réduire l’utilisation du chauffage jusqu’à 30 % par rapport à une utilisation classique, et donc de réduire notre consommation d’énergie et, partant, notre empreinte écologique.


Algorithmes d’optimisation bioinspirés et économie d'énergie

Pour trouver des solutions qui consomment un minimum d’énergie, l’économie d’énergie doit parfois passer par des algorithmes d’optimisation. Ces derniers permettent en général, avec les mêmes technologies, d’améliorer les rendements, de réduire les pertes ou de dimensionner un système. Le biomimétisme peut s'inspirer du comportement et de l’organisation très sophistiquée des êtres vivants pour développer de nouveaux algorithmes intelligents et perfectionnés. Et il y en a de nombreux exemples !


C’est le cas par exemple de CLONAG, un algorithme inspiré du système immunitaire. L’idée de cet algorithme biomimétique est de reproduire la stratégie de conservation de l’immunité pour déterminer la taille optimale d'un réseau électrique hybride, utilisant au mieux sa production avec le moins d'interruptions possibles et un coût réduit. L’objectif est de dimensionner un système électrique hybride à approvisionnement photovoltaïque, éolien et sur batterie. L'intérêt de la batterie est de conserver l'énergie préalablement produite au cas où les deux autres parties productrices ne pourraient pas fonctionner (conditions météorologiques défavorables par exemple) et ainsi garantir un approvisionnement en électricité le plus continu possible. Cet algorithme est capable de trouver la solution optimale pour utiliser les 3 sources d’énergie en fonction de leur production, de la même façon que le système immunitaire choisit les bons anticorps pour se défendre contre une certaine maladie ! Les résultats sont bien plus rapides ou moins coûteux qu’avec d’autres algorithmes. L’algorithme biomimétique CLONAG permet d’optimiser la consommation et la production d’énergie, de mieux la stocker et d’éviter un maximum les pertes énergétiques.


Un autre exemple provient du réseau mycorhizien, association symbiotique entre plantes et champignons, très utile pour échanger des ressources et optimiser leur développement mutuel. Ce réseau biologique se forme lorsque plusieurs plantes sont colonisées par le même champignon mycorhizien. Elles sont alors reliées entre elles par ce réseau de champignons et de racines.


Ce type de réseau a inspiré un algorithme biomimétique d’amélioration des réseaux électriques du type smart grid (par exemple des maisons équipées de panneaux solaires). Ces réseaux sont moins centralisés qu'un réseau de distribution électrique classique et comportent plus de connexions redondantes. Ils sont plus résilients et plus fonctionnels. A l'inverse d'un réseau où la source d'énergie impose les flux, ce sont les individus (maisons, appareils) qui imposent les flux dans ce modèle. Cet algorithme biomimétique inspiré des champignons permet également d’économiser de l’énergie en la distribuant mieux et en évitant une production trop élevée non nécessaire.


Les réseaux mycorhiziens : des liaisons partout (Crédits : Les jardins modernes)

Les algorithmes biomimétiques qui découlent des comportements et méthodes biologiques ont ainsi énormément de potentiel pour permettre l’économie d’énergie. Ils sont extrêmement nombreux et variés, on peut citer des exemples inspirés des chats, des dingos, des loups, des papillons de nuit, des bancs de poisson, des nuages d’insectes ou encore des colonies de fourmis !


Les fourmis travaillent en équipe parfaitement ordonnée !

Economie d’énergie par réduction des frottements

L’économie d’énergie passe également par la limitation des frottements sur les systèmes physiques, qui sont la cause de plus de 20 % de notre consommation d’énergie dans tous les domaines et les secteurs dans le monde. Ces frottements peuvent être fortement limités par des lubrifiants performants ou des structures particulières là où le vivant, encore une fois, est une grande source d’inspiration. Le biomimétisme peut nous apporter les clés pour réduire au maximum la part de ces frottements dans notre consommation énergétique et ainsi permettre l’économie d’énergie.


Par exemple, la carapace du pangolin possède une structure en écailles superposées très spéciale. Ses écailles sont composées de kératine et sont très résistantes aux chocs et aux prédateurs. Leur agencement permet d’optimiser les propriétés de résistance tout en conservant une grande souplesse de la carapace. Cette structure en écailles permet aussi de réduire drastiquement les frottements secs et l’usure des matériaux. En effet, les écailles du pangolin (dont la structure peut être retrouvée également chez le tatou) sont espacées les unes des autres en profondeur. Cela engendre un effet de “rainures” profondes sur sa carapace.


Des chercheurs s’en sont inspirés et ont découvert par exemple que les rainures sur un matériau très solide comme du métal apportent des performances bien supérieures en termes de frottements et de résistance à l’usure. Une structure plane dans laquelle on vient creuser des rainures formant une grille sur toute la surface peut réduire l’usure du matériau de plus de 57 %. Une forte réduction des frottements dans toutes les directions est également observée grâce à cette exemple de biomimétisme.


Les écailles profondes et espacées du pangolin.

Les écailles du pangolin ne sont pas les seules qui ont inspiré des scientifiques pour développer des systèmes diminuant les frottements et donc la consommation d’énergie. En effet, les poissons sont l’exemple parfait pour deviner l’intérêt des écailles. Pour glisser au maximum dans l’eau, réduire les frottements avec l’eau et ainsi économiser le plus d’énergie possible pour chasser ou se protéger, les poissons disposent d’écailles. Elles leur permettent de se déplacer rapidement en étant silencieux, de résister aux chocs et de réduire leur traînée dans l’eau.


Une innovation biomimétique a été développée par des chercheurs sur ce même principe. L’objectif est de reproduire la forme et le chevauchement des écailles de poisson sur une surface plane pour améliorer les propriétés aéro ou hydrodynamiques du matériau. Les résultats des tests sont très bons et conformes aux propriétés biologiques. Les écailles modifient les profils d'écoulement des fluides (eau ou air). Au total, une réduction maximale de la traînée allant jusqu’à 27 % dans l’air a été mesurée pour des écailles aux dimensions optimisées.


Les cas d’application d’un tel progrès technologique biomimétique sont nombreux. Les frottements des coques de bateaux peuvent être grandement réduits, les ailes d’avions ou n’importe quel autre profil aérodynamique (par exemple sur des voitures) peuvent être améliorés, etc. Le biomimétisme peut ainsi participer à une économie d’énergie à l’échelle mondiale, en limitant par exemple une grande partie des frottements dus aux transports.


Les écailles des poissons optimisent l'écoulement des fluides !

D’autres surfaces performantes existent dans la nature et peuvent inspirer les scientifiques. C’est le cas par exemple des piquants du poisson globe. Ces derniers, tout comme les écailles, bien que très différents, peuvent aussi réduire drastiquement les frottements. La transposition biomimétique peut ainsi atteindre jusqu’à 23 % de réduction des frottements dans l’eau, lorsque les pics sont disposés d’une manière optimisée. Agencés en lignes, espacés de quelques millimètres et inclinés à 45° dans le sens de l’écoulement, ils rendent la surface plus performante qu’une surface lisse. Cette performance est rendue possible grâce à l’effet des piquants sur l’écoulement qui vont notamment réduire les turbulences et la traînée par rapport à une surface plane.


Enfin, il est possible d’économiser de l’énergie en évitant les frottements sans pour autant changer de structure. Ceci est rendu possible grâce aux lubrifiants qui en créant du glissement permettent d’éviter les frottements entre 2 pièces mécaniques solides. L’huile moteur d’une voiture a par exemple ce rôle extrêmement important. Les lubrifiants sont essentiels à toute chaîne de production, dans l’utilisation de moteurs, de machines ou encore d’appareils électroniques. La nature, pour les mêmes raisons (celles de réduire les frottements et d’économiser de l’énergie), a développé des liquides aux propriétés lubrifiantes.


Le mucus des poissons a par exemple un rôle de protection contre les microorganismes mais surtout sert à se déplacer plus efficacement dans l’eau. Ce lubrifiant naturel se colle à la peau du poisson pour améliorer son hydrodynamisme et donc économiser son énergie. Ce mucus est principalement composé d’eau, emprisonnée dans des protéines. En s’inspirant de ce lubrifiant naturel, le biomimétisme a permis le développement d’un hydrogel, contenant des composés chimiques et beaucoup d’eau. Ce gel possède des propriétés variables, en fonction de la température d’utilisation et du pH de l’environnement. Il peut notamment atteindre un très faible coefficient de frottements (0.05 pour le mucus contre 0.15 pour des skis sur de la neige) et agir comme un très bon lubrifiant. Il existe évidemment beaucoup d’autres exemples du biomimétisme dans l’économie d’énergie et la diminution des frottements.


Conclusion

Le biomimétisme a encore une fois prouvé son intérêt sur des sujets et des enjeux cruciaux pour des technologies actuelles et futures. L’économie d’énergie est une démarche essentielle à adopter, partout où nous le pouvons, pour réduire notre impact sur la planète, mieux consommer et plus équitablement.


Cet article fait suite à un article publié précédemment sur le Biomimétisme et la production d’énergie. Un dernier article sur le même thème paraîtra prochainement sur le stockage de l’énergie et les batteries !


Pour aller plus loin, les sources utilisées pour la rédaction de cet article :

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