Le biomimétisme, une boîte à outil prometteuse en matière de tribologie
Les performances tribologiques d'un produit et de ses composants internes est importante pour en prolonger la durée de vie, limiter l'usure et les pannes, ou tout simplement pour éviter les pertes mécaniques par frottement.
Malgré les améliorations passées, des progrès restent à faire notamment sur les surfaces frottantes. Dans l'automobile par exemple, il a été évalué que 17% de l’énergie de combustion est perdue dans les frottements mécaniques internes. Toutes les parties de la chaîne cinématique sont concernées : du moteur aux roues en passant par la transmission.
Toute amélioration permettrait également de limiter le bruit émis par un produit ou une pièce interne, et même palier aux pertes thermiques.
Experte en frottements, lubrification, et économie d’énergie, la nature possède un large savoir-faire dans ce domaine.
Pour se déplacer, les espèces doivent faire preuve de techniques efficaces pour minimiser l’énergie qu'elles utilisent. Que ce soit sur terre ou en mer, le vivant est spécialiste lorsqu'il s'agit de minimiser les frottements : sa traînée doit être réduite au maximum.
Les techniques de lubrification et réduction d’usure sont un art maîtrisé par les êtres vivants. Pour garantir leur survie et leur intégrité physique, elles doivent réduire au maximum l’endommagement dû au contact de l’environnement extérieur.
Pour se nourrir, le vivant a aussi mis au point de redoutables techniques de prédation et de capture : la nature regorge de pièges impitoyables et sans issue reposant entre autre sur des propriétés de lubrification exceptionnelles.
Spécialiste du domaine, Bioxegy vous explique pourquoi et comment le biomimétisme permet de concevoir des nouvelles approches et technologies en matière de tribologie. Nous vous livrons une sélection d'exemples évocateurs.
Les Nepenthes Alata : l'art de créer des surfaces anti-adhésives.
Les plantes carnivores se nourrissent d’insectes qui leur servent de compléments nutritifs. Chaque espèce a mis au point sa propre technique, à l’efficacité redoutable pour attirer, capturer et digérer ses proies. Les Nepenthes Alata sont une espèce dont la stratégie de capture est remarquable.
Au bout de chaque feuille se situe une urne pouvant atteindre plusieurs dizaines de centimètres de longueur, et qui constitue un piège redoutable pour chaque insecte.
L’entrée du piège est recouverte d’un nectar qui les attire et les mène directement vers l’intérieur de l’urne où les parois sont tellement glissantes qu’il leur est impossible de s’y accrocher pour en réchapper. Les insectes tombent alors dans la zone digestive où ils seront rapidement anesthésiés puis dissous.
D’où viennent ces propriétés anti-adhésives ? Les parois internes de la zone glissante sont super-hydrophobes et microscopiquement rugueuses : elles sont recouvertes de cristaux de cire qui empêchent les insectes de s’y fixer.
L’entreprise Adaptive Surface Technologies s’est inspirée de cette microstructure afin de créer un revêtement de surface anti-adhésif, ultra-répulsif et auto-cicatrisant.
Nommé SLIPS ®, ce revêtement liquide est applicable à une large gamme de matériaux comme les métaux et les céramiques, et repousse toutes sortes de liquides et de particules d’encrassement. Cela procure des performances inégalées, notamment par rapport aux surfaces superhydrophobes pulvérisées.
Dans l’automobile, un tel revêtement ouvre de nouvelles pistes de solutions pour réduire les frottements et améliorer la lubrification des systèmes.
Crédits images : ©Adaptive Surface Technologies ©Bioxegy © I. Scholz, M. Bückins, L. Dolge, T. Erlinghagen, A. Weth, F. Hischen, J. Mayer, S. Hoffmann, M. Riederer, M. Riedel, W. Baumgartner
Les serpents : réduire les frottements sans lubrification pour assurer une bonne vitesse de déplacement.
Les serpents sont des animaux rampants. Pour se déplacer rapidement sur des sols de toute sorte, ils doivent maîtriser leurs frottements sous deux aspects : s'agripper pour mieux se propulser et glisser pour éviter que la trainée ne les ralentisse.
Leur peau est composée d'écailles individuelles réparties régulièrement qui réduisent les frottements et l’usure.
Un autre reptile remarquable est le poisson des sables : il glisse sur le sable, tel un serpent dans l’eau. Il possède pour cela une peau extérieure particulière, dont la résistance à l’érosion est supérieure à celle de l’acier !
Sa peau est constituée de kératine et de soufre, ce qui lui prodigue un coefficient de frottement extrêmement faible.
Des chercheurs de l’Institut de technologie de Karlsruhe en Allemagne, se sont intéressés à la morphologie de la peau et des écailles de ces reptiles, ce qui leur a permis de créer des surfaces métalliques bio-inspirées dont les coefficients de frottement défient toute concurrence. Sur des surfaces sèches, ils ont découvert que cette conception entraînait une diminution de 40% du frottement par rapport à une surface plane équivalente non modifiée.
Etudier le potentiel du biomimétisme pour créer des textures de surface est un domaine de recherche relativement nouveau et plein d’opportunités. Dans de nombreuses industries, comme par exemple celle de l'horlogerie, une telle morphologie de surface pourrait permettre de grandement réduire l’usure au niveau du contact sec entre deux pièces métalliques, par exemples des rouages internes.
Crédits images : ©Christian Greiner, Michael Schäfer
La peau des poissons : concevoir
un lubrifiant industriel révolutionnaire
Les poissons possèdent une glande pour sécréter un mucus spécifique qui se fixe sur la peau et vient envelopper le corps.
Composé de mucoprotéines, ce mucus joue un rôle crucial : il permet au poisson de se protéger contre la pénétration de micro-organismes pathogènes, mais aussi de se déplacer rapidement dans l'eau grâce à son très faible coefficient de frottement.
Ce mucus est en outre très efficace pour rendre le poisson plus insaisissable pour les prédateurs : il glisse.
Une équipe de chercheurs chinois a cherché à reproduire les propriétés de ce puissant mucus. Ils ont réussi à mettre au point une substance hydrophile, appelée hydrogel.
Contenant des composés chimiques particuliers, celui-ci varie en fonction du pH et de la température, qui modifient les chaînes moléculaires : des changements de conformation se produisent.
Le coefficient de friction est modulable et peut être très faible ou très élevé :
À pH élevé (7) et température ambiante (~20 °C), le coefficient de friction est très faible : 0.05. À pH faible et température élevée (32°C), le coefficient de friction devient très élevé : 1.2.
Ce lubrifiant bio-inspiré à friction modulable est particulièrement prometteur et pourrait être utilisé dans de nombreux composants mécaniques industriels, tous secteurs confondus !
Expériences menées sur le mucus des poissons-chats | Crédits images : © Yang Wu, Xiaowei Pei, Xiaolong Wang, Yongmin Liang, Weimin Liu & Feng Zhou
Autres perspectives prometteuses du biomimétisme dans les secteurs industriels